Immobilier au Maroc : Est-ce que la crise existe ?

 

Si pour beaucoup d’observateurs et de professionnels le secteur de l’immobilier au Maroc vit une crise palpable qui s’éternise depuis quelques années déja, il n’empêche que pour d’autres, il n’en est pas véritablement  question puisqu’il ne s’agit pas d’un phénoméne généralisé. Peut-on parler d’une crise effective au sens concret du terme ?  

Selon le constat dressé lors de la réunion des membres de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI) qui avait eu lieu le 12 février dernier, la situation est alarmante : les mises en chantier de logements ont chuté de 35% en 2018, prolongeant la baisse entamée en 2012. La chute concerne également les ventes, tous segments confondus : le social dans certains quartiers et villes, le moyen standing, ainsi que le luxe.

 

Chute d’activité

Or, une chute de l’activité n’induit pas automatiquement une véritable crise ou encore une bulle immobilière. En effet, cette dernière se définit comme une bulle spéculative sur tout un marché immobilier qui se traduit par une hausse rapide de la valeur des biens immobiliers. Par conséquent, un écart important et persistant s’opére entre le prix des immeubles et la variation de ses déterminants fondamentaux économiques comme les salaires ou le rendement locatif.

Concrétement, le secteur immobilier national souffre plutot d’une inadéquation de l’offre et de la demande à cause de plusieurs paramètres : prix des logements, leur qualité, leur emplacement et leur consistance, capacié de financement des acquéreurs … . Selon Rachid khayatey,vice-président de la FNPI, « cette inadéquation s’est aggravée ces dernières années à cause des augmentations conséquentes des taxes sur le secteur. »

Ces augmentations ont commencé en 2012 avec le relèvement du taux des droits d’enregistrement de 3% à 4% pour les acquéreurs de logements (hors social) et de terrains devant être construits dans les 7 ans (sinon le taux monte à 6%). Cette tendance s’est notamment poursuivie avec l’application d’une série d’augmentations pour les frais de la Conservation Foncière depuis novembre 2016, touchant aussi bien les promoteurs que les acquéreurs.

De plus, pour certains opérateurs la situation actuelle du marché de l’immobilier au Maroc ne peut être qualifiée de véritable crise qui impacterait les autres secteurs sociaux-économiques, voire qui engendrerait un gel total de l’activité économique comme ce fut le cas lors de la crise des subprimes aux Etats-Unies qui s’était déclenchée en juillet 2007 entrainant la crise bancaire et financière de l’automne 2008, ces deux phénomènes ayant inauguré la crise financière mondiale de 2007-2008.

 

Stabilisation et changement économique

Selon Amine Nokta, Directeur administratif et financier du groupe Walili, spécialisé dans l’immobilier du luxe : « Le secteur de l’immobilier, est en en phase de stabilisation, le marché se régule, l’espace ou l’écart qui existait et persistait entre l’offre et la demande grâce aux politiques publiques suivies et au dynamisme des promoteurs durant ces dix dernières années, est devenue de plus en plus étroit, il n’ y a plus autant de demande et de besoin, ce qui a impliqué un revirement de la consommation ou les consommateurs ne cherchent plus, aujourd’hui, qu’à se loger, étant donné qu’une grande partie l’est déjà, mais plutôt des espaces d’épanouissement. Le promoteur qui prend en considération ce changement et cette stabilisation du marché peut évoluer en son sein. Un promoteur mal conseillé connaîtra irréversiblement une crise dans sa structure interne mais non dans le marché car ce dernier reste indépendant des politiques suivies par certains acteurs privés. Nous parlons, aujourd’hui, d’un marché qui représente 7% du PIB national et génère plus d’un million d’emplois. Le  BTP  a représenté en  2016 : 27%  des  recettes de la  TVA, soit le plus grand contributeur (le bâtiment représente autour de 60% du BTP), et ce autant que premier consommateur des matières premières telles que le fer, le ciment ou l’aluminum. Il reste le premier secteur stabilisateur des prix, en conséquence une grande majorité des secteurs d’activité y dépendent, plus encore, leur prospérité et développement sont structurellement liés à la prospérité du Bâtiment. Par conséquent, sa crise impacterait inévitablement les autres secteurs économiques et serait ressenti. » Il ajoute que «  les personnes qui parlent de crise, aujourd’hui, au Maroc, sont en fait, dans la plupart des cas, des promoteurs mal conseillés qui ont investis dans des projets qui ne répondent pas aux besoins que ce soit en termes quantitatif ou qualitatif telles que les exigences actuelles de confort et d’épanouissement, ou encore de personnes qui font l’amalgame entre évolution rationnelle des prix (emplacement, standing, valeur locative, …) et spéculation immobilière. »

 

Evolution sectorielle

Par ailleurs, comment peut-on, rationnellement, parler de crise immobilière au Maroc alors que de nombreux projets tous segments confondus continuent de fleurir un peu partout ?

En effet, si on prend l’exemple d’une ville comme Casablanca, il suffit de faire un tour du côté de Casablanca Finance City (CFC) pour se rendre compte que des résidences de luxe flambants neuves et de grande envergure, comme le projet Anfa Sky par exemple, affichent complet alors que d’autres sont en cours de construction. Concernant le moyen standing et le social, vous en trouverez à chaque coin de rue.

Comme on peut citer également l’exemple du segment hôtelier qui n’a jamais connu une évolution aussi importante que celle qu’il a enregistré ces dernières années et qui s’est notamment traduite par la construction de nombreux nouveaux hôtels et appart-hôtels.

En conclusion, il est prudent d’avancer que si, effectivement, le secteur de l’immobilier souffre de quelques orages passagers impactant son activité ces dernières années, il n’en résulte pas qu’il vit une crise au vrai sens du terme.